Le frigo de ma mère d’accueil est plein de petits bocaux. Après chaque dîner et déjeuner, et même comme repas pour petit-déjeuner, nous en cherchons un chacun. C’est quoi dans le bocal ? C’est du robuste et polyvalent riz-au-lait.
Ma mère d’accueil a commencé à faire ces riz-au-laits il y a trois semaines. Leur recette est assez simple, et elle la suit presque un jour sur deux à cause de sa simplicité. Elle comporte quatre ingrédients: du lait, du riz, un peu de sucre, et de la gousse de vanille. Elle mélange tous les ingrédients dans une marmite, et voilà, deux litres de riz-au-lait prêt à distribuer dans les bocaux.
Le riz-au-lait de ma mère d’accueil n’a pas le même goût que le riz-au-lait que j’avais goûté aux États-Unis. Il n’est pas très sucré—si on veut plus de sucre on peut ajouter de la confiture au-dessus, ou si on a de la chance, ma mère d’accueil a fait son riz-au-lait-au-chocolat. Il est simple, et sans ornement.
Mais si le riz-au-lait n’a pas une saveur très forte, il a certainement une saveur distincte. Le riz-au-lait est quelque chose profondément à la Dusserre (le nom de ma famille d’accueil). Il me rappelle, même après trois petites semaines, la terrasse à côté de la maison, les desserts tard dans la nuit, et les petits-déjeuners au point du jour. Il me rappelle les trois membres de ma famille d’accueil et leurs neuf chats. Il me rappelle vivement la France.
Je me demande comment est-ce que quelque chose de si petite taille et de si simplicité peut avoir un effet si émotif. Je me demande, ensuite, si le riz-au-lait est un mythe à moi, comme les célèbres mythes de Roland Barthes. Il n’est que ses ingrédients, ni juste son goût, à moi le riz-au-lait comporte autour de lui un réseau des idées et des petites mémoires.
Nous connaissons tous (j’espère) cette sensation. C’est la même sensation qui arrive quand on mange un repas lié aux souvenirs nostalgiques, ou quand on visite le terrain de jeu de la jeunesse.
Mais il est quand même curieux que cette sensation s’est produite si vite et si fortement. Je pense que cette vitesse peut être liée au fait que je suis en France, alors un choc culturel augmente et transforme mes sentiments. Ou peut-être mon affection pour ma famille d’accueil rend leur nourriture plus délicieuse.
Ou peut-être le riz-au-lait a un certain pouvoir magique.