Mercier, les halles, et les tomates fraîches

Cet été, j’habite toute seule dans un petit studio à Avignon. Avant d’arriver ici, j’avais vraiment hâte de cuisiner pour moi-même ; planifier mes propres repas, acheter les produits qui ne sont pas accessibles aux États-Unis, et expérimenter avec des recettes étaient toutes des opportunités que je n’avais pas eu chez ma famille ou sur mon campus universitaire. Mais dès mon arrivée ici, le processus de faire les courses et la cuisine est souvent plus comme une pression constante de responsabilité et de culpabilité. D’habitude, je fais des achats au Carrefour près de ma résidence Crous, et je ne regarde que deux aspects des produits que j’achète : le prix et le nutri-score, s’il y en a un. Le défi est d’à la fois maximiser les économies et ma confiance dans la qualité des ingrédients. Normalement, le préconditionnement des fruits et des légumes à Carrefour veut dire que je prends une quantité de nourriture qui est tout à fait ridicule pour une seule personne, même si les produits peuvent rester frais pendant plusieurs jours. Contre mes objectifs originals, je me trouve en train de faire précisément ce qui détruit l’environnement et les petites entreprises agricoles en gaspillant énormément de nourriture qui aurait dû être mangée. 

Je décris tous ces défauts dans mon régime parce qu’ils me semblent beaucoup trop similaires à ce qu’a écrit Louis Sébastien Mercier dans son chapitre sur le panification, et parce que mon expérience en faisant des achats aux Halles d’Avignon m’a montré comment il est possible de manger mieux et d’être une meilleure partie de sa communauté en priorisant les ingrédients locaux et les rapports humains qui peuvent dramatiquement changer comment on pense de la nourriture qu’on achète. Mercier met l’accent sur la coûte humaine et écologique de l’obsession du pain, attirant notre attention à comment “ceux qui nous nourrissent vivent dans la disette” (p. 180). Cela est plus probablement vrai quand il s’agit des produits qui doivent traverser les frontières nationales par la route ou par la mer. Quand la nourriture vient de loin, il devient beaucoup plus difficile de deviner ses origines spécifiques et comment des personnes ou la terre peuvent avoir été exploitées pour qu’on puisse payer moins pour nos ingrédients. Un de mes premiers achats ici a été une boîte de tomates cerises, cultivées au Maroc. Je n’ai pas la connaissance de l’agriculture marocaine qui serait nécessaire pour dire exactement comment les graines de ces tomates sont devenues des tomates qui sont venues jusqu’à Provence, mais mon ignorance est l’essence du problème : quand on ne fait pas l’effort connaître sa nourriture, on ne connaîtra ceux et celles qui la produit non plus. Tout a changé pour moi le jour où j’ai décidé de faire mes courses aux halles, car chaque ingrédient que j’ai acheté était lié à non seulement une région ou ville (probablement en Provence), mais aussi à un visage, une voix, et une interaction humaine avec une personne avec une connexion plus profonde aux produits vendus qu’un.e employé.e à Carrefour. J’ai choisi mes légumes individuellement, donc je n’ai pas acheté des choses qui n’ont pas été déjà mangées. En cuisinant mon dîner après la visite des halles, j’ai mieux apprécié ce que j’avais, je n’ai pas eu de gaspillage, et j’ai pu penser aux bon moments passés en interagissant avec les vendeurs. 

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