Réflexions sur le genre, de Bourdieu à Gervaise

J’ai été vraiment frappée par quelques moments dans la lecture pour cette semaine, particulièrement en ce qui concerne les rôles des hommes et des femmes en préparant un repas et en mangeant. Dans ma ville familiale en particulier, je vois souvent comment les femmes ont tendance à être exceptionnellement consciente de ce qu’elles mangent, comment elles mangent, et ce que les convives pensent d’elles – un phénomène ne me semble pas être juste le résultat d’une nature féminine universelle. Il était donc éclairant de lire ce qu’a écrit Pierre Bourdieu sur ce sujet dans son livre, La Distinction : « l’accès des jeunes filles au statut de femme se marquant au fait qu’elles commencent à se priver » (pg. 217). Bourdieu nous explique comment les femmes se sentent obligées de manger moins et plus lentement, et de favoriser les aliments qui sont plus compatibles avec cette manière de manger. Bourdieu parle de cette attente dans le contexte d’une plus grande discussion de la classe et comment elle informe le goût, disant que les classes populaires mangent des aliments qui contribuent à leur force physique, plutôt que la forme de leurs corps (pg. 210). Ces deux principes, dont l’un concerne le genre et l’autre concerne la classe, me semblent indiquer un parallèle entre la classe ouvrière et la masculinité, et aussi entre la classe bourgeoise et la féminité. Les ouvriers et les hommes doivent être forts, et l’élégance ne leur importe pas, mais les bourgeois et les femmes sont plus délicates et peuvent se focaliser plus sur comment elles se présentent. 

J’aimerais bien savoir un peu plus sur les intersections entre le genre et la classe socio-économique en ce qui concerne la cuisine et la nourriture. Je me demande qui, historiquement et aujourd’hui, a le droit de manger d’une façon plus désordonnée et qui se sent plus souvent contraint.e par les attentes sociales. On peut certainement voir comme, dans la famille ouvrière de Gervaise dans L’Assommoir d’Émile Zola, la présentation et la perfection du repas sont soulignées par les femmes, et qu’elles sont une façon de montrer le fait qu’on ait la capacité d’accueillir les autres et de les servir bien. Cette obsession est clairement différente de la manière dont les hommes voient le repas et comment ils se comportent pendant la fête ; ce sont eux qui plaisantent vulgairement et qui doivent être trouvés, ivre dans l’assommoir. Évidemment, cette division genrée va changer avec la chute de Gervaise, mais elle m’intéresse quand même. 

css.php