Une guerre de roquefort ? Les éleveurs contre l’industrie et l’AOP

Pendant un après-midi chaud cette semaine, en essayant de résister à la tentation de faire la sieste, j’ai parcouru Instagram. J’ai été surprise quand j’ai vu dans mon fil un clip de Konbini (un média journal français en ligne) sur le roquefort et les tensions entre les éleveurs indépendants et les présences industrielles qui le produisent. Essentiellement, l’article explique les frustrations de Christian Cros, éleveur qui a 56 ans et qui travaille près de Roquefort-sur-Soulzon en faisant du roquefort. Cros représente la Confédération paysanne au sein de la Confédération générale de Roquefort (CGR), et il est frustré de voir des changements dans l’industrie du roquefort après qu’une entreprise multinationale – Lactalis – a acheté Société des caves (où on produit la plupart du roquefort). Il remarque une baisse du prix du lait (qu’il vend aux producteurs pour en faire des produits laitiers) ainsi qu’une baisse de la quantité des producteurs du Roquefort : « Quand j’avais une dizaine d’années, il y avait 4 000 fermes, aujourd’hui, c’est 1 300 ! ». L’autre élément clé dans cette situation ? Les grandes entreprises comme Lactalis qui dominent aujourd’hui la production des produits du terroir sont reconnues sous l’AOP. Comme la présidente-fondatrice de l’association Fromage de terroirs le dit :  « Les fromages industriels représentent 90 % du plateau de fromages français. Ils ont de quoi s’exprimer. Pourquoi viennent-ils dans les AOP ? C’est pour l’image ».

Cela m’a fait réfléchir à la définition de l’UNESCO du terroir, un concept très pertinent à cette discussion. La définition officielle met l’accent sur « les interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains », et la charte des terroirs a aussi le but de protéger les producteurs et les peuples de la région impliquée dans un terroir. Dans des situations comme celle-ci, je me demande si les protections officielles des terroirs vraiment réussissent à protéger les habitants du région. D’un côté, s’il y a une très forte demande pour un produit que les agriculteurs indépendants ne peuvent pas satisfaire par eux-mêmes (pour soutenir l’économie de leur région), il est logique que les grands fabricants prennent une partie de cette demande. Cela dit, les maîtres qui possèdent le savoir-faire et l’histoire de ce produit comme Christian Cros voient ces changements comme une menace – « l’érosion d’un savoir-faire de plusieurs siècles ». Effectivement, le roquefort était le premier produit reconnu sur l’appellation d’origine protégée (c.-à-d. partout en Europe), donc c’est quelque chose de très important à la culture de son terroir et de la France en général. Je ne vois pas une solution nette pour résoudre ces complications dans les industries des terroirs, mais je crois que c’est quand même important d’y réfléchir et de considérer comment protéger non seulement les produits du terroir, mais aussi les êtres humains à son cœur.

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