Shabbat à la française

Le « repas gastronomique des Français » ne fait pas partie de ma vie quotidienne à Avignon. Comme j’habite en Crous, je prends la plupart de mes dîners seule pendant que je fais la lecture pour mes cours, écoute à un podcast, ou parle avec mes parents. Anne Chemin peut dire ce qu’elle veut concernant les Américain.e.s qui ne mangent pas avec des convives, mais j’aime le dîner comme un moment de liberté et de repos – mon groupe d’amies ne me manque pas, car je prends le déjeuner avec elles presque chaque jour. La situation est à peu près la même quand je suis à Bryn Mawr. Mais, ici à Avignon, comme à Bryn Mawr, chaque semaine, il y a un grand dîner qui a lieu lentement et avec plus de personnes : celui du vendredi soir. Je suis juive, et le dîner avec lequel on commence le Shabbat est, pendant la plupart des semaines, un moment pour moi de prendre soin de moi-même et de ma communauté, de réfléchir, et de profiter du soutien des autres (ce qui est toujours nécessaire dans ma vie d’étudiante, car l’accent toujours mis sur le succès académique me rend parfois un peu seule). Pendant l’année scolaire, j’ai tendance à passer ce moment à Hillel en assistant à un office, et puis en prenant un repas qui peut durer jusqu’à assez tard le soir.

J’ai une amie dans ce programme qui reste avec une famille d’accueil juive, et il y a quelques semaines, elle m’a invitée à rejoindre cette famille pour le dîner de Shabbat. Après ce soir-là, on m’a donnée un « abonnement à Shabbat », et donc je suis allez chez eux chaque semaine pour les repas merveilleux. Ce soir sera mon dernier Shabbat, car je quitte Avignon pendant l’après-midi du vendredi prochain, donc j’aimerais utiliser ma réflexion de cette semaine pour décrire comment cette tradition familière me semble transformée « à la française », et aussi comme la tradition française se transforme « à la juive ».

Une partie très importante de cette cuisine unique (je ne sais pas si cela peut être considérée comme quelque chose de « hybride », car il me semble que la cuisine juive est toujours hybride, comme les traditions de chaque population d’une diaspora) est les règles de kashrut, qui déterminent quels aliments sont kasher et donc permis pour les personnes juives. Le « repas gastronomique des Français » a presque certainement un plat qui inclut de la viande, et le fromage est vu, avec le dessert, comme partie de l’étape du repas qui vient après le plat mais avant le digestif et le café. Chez les Juifs qui suivent les règles de kashrut, un repas avec de la viande et des produits laitiers est interdit. Il y a même beaucoup de familles juives (comme celle avec laquelle j’ai l’habitude de diner) qui utilisent des vaisselles différentes pour les repas « viande » et les repas « lait ». Donc, si c’est un jour « viande », on ne peut pas avoir du fromage à la fin du dîner, et il faut aussi éviter les desserts avec des produits laitiers. Si on utilise le fromage dans le repas, il est nécessaire que tout le monde soit végétarien pour la soirée. Le dîner de Shabbat en France (selon mon expérience limitée) suit alors la modèle de la gastronomie française, mais certaines modifications sont exigées. D’habitude, le repas commence avec les prières sur le vin et le pain, suivies directement d’un apéritif (dont on mange du pain et boit du vin, mais il y a aussi des olives, des noix, et quelques autres petites choses), puis l’entrée (de la salade), le plat, et le dessert. Il est tellement intéressant de voir comment le Shabbat devient français, mais comment il reste toujours un droit et un devoir des Juifs.ves autour du monde. Ces dîners ont été de vrais temps forts pendant mon séjour, et ils me manqueront beaucoup.

Shabbat Shalom, et bon week-end à tous !

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